Dans quelques jours, les Parisiens découvriront Taxify, un nouveau service de VTC. Cette start-up estonienne est soutenue par le principal concurrent d’Uber, Didi Chuxing, une licorne chinoise valorisée 50 milliards de dollars.
Taxify est encore méconnue en France, mais plus pour longtemps. Cette start-up qui a développé une appli pour VTC prépare son arrivée à Paris. Elle ne communique pas encore précisément sur son modèle. Sa porte-parole nous a seulement confié que ce service serait lancé « courant octobre ». Mais sur le site ouvert pour recruter des chauffeurs, on trouve plus de détails. Taxify permet les paiements en espèces et sa commission se situe « entre 10 et 20%, selon la ville ». Une offre qui veut séduire les VTC, mais qui est aussi une déclaration de guerre aux autres plateformes qui prennent généralement des commissions supérieures à 20%.
L’entreprise estonienne n’a que trois ans d’existence, mais elle a déjà tissé sa toile dans une vingtaine de pays. Créée par des anciens de Skype, elle a démarré son activité discrètement sur des marchés moins stratégiques pour les géants du secteur: à l’est de l’Europe (Estonie, Lettonie, Ukraine, Azerbaïdjan, Géorgie, Lituanie), en Afrique (Afrique du Sud, Kenya, Nigeria), au Moyen-Orient (Irak et Égypte) et au Mexique. Elle affiche déjà 2,5 millions d’utilisateurs.
Didi accentue la pression contre Uber
Taxify se lance désormais à l’assaut de l’Europe de l’Ouest. D’abord à Londres, à Bruxelles et en Autriche, puis à Paris, l’un des terrains les plus délicats pour les VTC. Et pour s’imposer dans un secteur qui réclame des fonds importants, elle s’est associée à Didi Chuxing, le géant asiatique qui a bouté Uber hors de Chine, et qui talonne l’américain dans le classement des sociétés non cotées les plus valorisées. Uber est toujours en première position avec 68 milliards de dollars, mais Didi est passé second avec une valorisation de 50 milliards. En clair, Taxify est l’arbre estonien qui cache la forêt chinoise. Et pour détrôner son rival, Didi, qui revendique 400 millions d’utilisateurs, est prêt à tout, notamment à s’allier avec ses concurrents qui sont aussi ceux d’Uber: Lyft aux États-Unis, Ola en Inde et Grab en Asie du Sud-Est. Pour l’Europe, ce sera donc Taxify.
Quelques chauffeurs de VTC sont séduits par cette commission à verser moins élevée. « Cette commission est la plus basse du secteur et elle risque d’attirer du monde, et je vais certainement tenter de collaborer avec eux », nous a confié Mamadou Traore, un chauffeur qui vient de créer sa société, MT Transports Platinium. « Mais ils vont devoir attirer de nombreux clients, c’est le nerf de la guerre dans notre profession et pour l’instant, celui qui tient le marché, c’est Uber ».
À l’inverse, les représentants du secteur regardent Taxify avec méfiance. Parmi eux, Sayah Baaroun, secrétaire général du SCP-VTC, devenu populaire lors des grèves de 2016, mais surtout pour avoir apostrophé Emmanuel Macron à l’occasion de la campagne présidentielle lors d’un débat sur France 2. « Si Uber perd des milliards malgré une commission de 25% », comment Taxify va s’en sortir en prenant moins? ».
L’UNT prépare une action en justice
Côté taxis, l’arrivée de Taxify annonce un nouvel affrontement. Non seulement parce que la concurrence est déjà rude avec les VTC, notamment sur le maraudage électronique. Mais un autre problème se pose à cause de ce nom qui, selon Rachid Boudjema, président de l’Union nationale des taxis, va porter à confusion d’autant plus que le terme « taxi est protégé par l’article L3121-1 du code des transports qui le réserve aux véhicules bénéficiant d’une autorisation de stationnement (la fameuse licence) et autorisé à utiliser un taximètre, un lumineux et à porter une plaque scellée ».
Et pour le président de l’UNT, pas question de laisser Taxify s’approprier le terme. « C’est une usurpation et une utilisation abusive qui va créer un trouble chez le consommateur qui sera doublement trompé. D’abord sur l’appellation, puis sur la tarification qui, rappelons-le, est réglementée pour notre profession », a-t-il indiqué à BFMBusiness.com. L’affaire est d’ores et déjà entre les mains des avocats de l’UNT qui comptent en appeler à l’autorité de la concurrence (DGCCRF).
Le terme « taxi » au cœur d’une polémique
Ce type d’affaire ne sera pas une première. Des actions ont déjà été menées par les représentants des taxis en 1993 contre la société Taxicolis et plus récemment en 2013 contre les motos taxis. Sur son site, la FNAT (Fédération nationale des artisans taxis) publie un courrier du ministère de l’Intérieur qui précisait à l’époque que « seuls les conducteurs détenteurs d’une carte professionnelle de conducteur de taxi […] peuvent se prévaloir du terme taxi ».
Mais les choses ne sont pas si claires. D’abord, la justice n’a jamais pu interdire Taxicolis d’utiliser ce nom. Quant aux motos taxi, la répression des fraudes d’Île-de-France a une lecture différente des textes de lois. Dans un courrier publié sur le blog « Taxi Moto » cette autorité indique que pour elle, « aucune infraction aux lois et règlements […] n’a été relevée » et a décidé de classer le dossier.
En attendant, sur son site, Taxify appelle les chauffeurs à rejoindre sa plateforme en leur proposant de leur louer les outils nécessaires pour travailler. Une voiture est fournie en location pour 600 euros, contre un peu plus de 1000 euros pour un modèle de base chez Voitures Noires. Un tarif séduisant, mais la condition sera d’utiliser un véhicule marqué aux couleurs de l’entreprise ce qui, de fait, ne permettra pas de travailler avec d’autres plateformes, ce que font désormais la plupart des chauffeurs. Combien seront séduits par cette offre? Nul ne le sait. Mais l’arrivée de la start-up européenne risque de rabattre les cartes dans ce secteur, peut-être au détriment des concurrents, mais sans doute au profit des chauffeurs et des clients qui feront l’objet de toutes les attentions pour rallier Taxify.