Des propositions encore loin de la réalité du terrain
Le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2017 opte pour une prétendue maîtrise de l’enveloppe transport, qui ignore le développement du nombre de patients transportés…
Le 2 novembre, les députés ont voté le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2017 (PLFSS 2017), présenté le 23 septembre dernier (relire notre article ici). Plusieurs mesures ont été annoncées pour atteindre un quasi-équilibre du régime général, avec un déficit estimé à 400 M€ (4,2 Md€ avec le Fonds de solidarité vieillesse).
Quid des calculs du projet de loi ?
La perspective est belle, peut-être trop : le Comité d’alerte questionne les calculs du projet de loi. Il émet une réserve de méthode sur les éléments ayant permis l’élaboration de l’objectif de dépenses (Ondam). Le PLFSS prévoit 4,05 Md€ d’économies. Or, une partie de ces dépenses (près de 1 Md€) sont en réalité transférées ailleurs afin de soulager l’Ondam. Par ailleurs, le gouvernement prévoit de mobiliser 230 M€ dans les réserves de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour financer les établissements médico-sociaux, réduisant d’autant la charge qui pèse sur l’Ondam.
Réponse de l’entourage de la ministre de la Santé, Marisol Touraine : « Que des dépenses soient dans ou hors l’Ondam, elles figurent de toute façon dans les comptes de la Sécurité Sociale. Le solde sera bien de -400 M€ en 2017. Les réserves du comité d’alerte ne changent rien au fait que les comptes de la Sécurité Sociale seront l’année prochaine à l’équilibre. » (article des Échos à lire ici)
Favoriser le transport le moins onéreux
Pour atteindre cet équilibre, le PLFSS 2017 prévoit notamment de favoriser le transport le moins onéreux. Les prescriptions de transport représentent plus de 4 Md€. Elles ont augmenté de 3,7 % en 2015. 63 % émanent des établissements (+4,5 % en 2015, alors que la cible nationale était fixée à +3 %).
Le PLFSS 2017 prévoit donc une extension des plateformes centralisées de commandes de transport, qui centralisent l’ensemble des prescriptions de transport au sein d’un établissement de santé et passent commande auprès de sociétés de taxis, véhicules sanitaires légers (VSL) ou ambulances. Leur objectif va être, entre autres, de favoriser le transport le moins onéreux compatible avec l’état du patient ainsi que le transport partagé, et de réduire le nombre de prescriptions non pertinentes. Des expériences de plateformes initiées dans certains établissements ont montré des résultats positifs (11 € de moins par transport au centre hospitalier de Roubaix, qui a basculé de l’ambulance vers le VSL).
Les transports sanitaires, et par-là même les taxis, sont régulièrement pointés du doigt et accusés de creuser le déficit de la Sécurité Sociale. Pourtant (et certains semblent l’oublier), « des facteurs objectifs et inéluctables expliquent cette augmentation comme le vieillissement de la population, l’augmentation des patients atteints d’une affection de longue durée, dont les frais de déplacement sont majoritairement pris en charge à 100 %, ou encore le regroupement géographique de plateaux techniques » 1.
Prendre le virage ambulatoire : un contresens ?
Par ailleurs, le PLFSS 2017 préconise de poursuivre la voie du virage ambulatoire. Comprendre : écourter les durées de séjour à l’hôpital afin de réaliser des économies. Cette volonté semble entrer en contradiction avec celle de maîtriser l’enveloppe transports : « le développement de la prise en charge ambulatoire favorise en principe la croissance des frais de déplacement, eu égard à des sorties plus précoces, dans des situations médicales plus fragiles » 2.
1 Rapport Commission des Affaires Sociales – Assemblée Nationale – Novembre 2014 (p. 7)
2 Rapport Commission des Affaires Sociales – Assemblée Nationale – Novembre 2014 (p. 21)
LE SPECTRE DE LA LIBÉRALISATION TOUJOURS PRÉSENTLa libéralisation du transport des malades est une « fausse bonne idée » qui trotte toujours dans la tête de certains… Fervent défenseur des taxis, le Docteur Dominique Dupagne explique en quoi ce pourrait être « dangereux, coûteux pour la collectivité et douloureux pour les malades ». Pour lui, un chauffeur de taxi est la solution la plus économique pour « faire le job ». « Une entreprise qui répondrait à l’appel d’offres d’une Agence Régionale de Santé ne pourrait fournir les mêmes prestations pour un coût inférieur, même en payant ses chauffeurs au SMIC. Seule une dégradation de la qualité des transports en regroupant les patients dans des minibus pourrait diminuer les coûts […]. De grands groupes proposeront initialement des prix cassés et travailleront à perte pour gagner les marchés. Une fois les taxis libéraux mis en faillite et leurs licences rachetées à bas prix, ces groupes en situation de monopole feront remonter les tarifs au-delà du coût actuel… » Article à lire ICI |